Impôt sur la Fortune Improductive : Vers une Nouvelle Approche de la Taxation du Patrimoine ?
La fiscalité du patrimoine en France connaît un tournant majeur avec l’adoption, le 31 octobre 2025, d’un amendement transformant l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) en un Impôt sur la Fortune Improductive (souvent désigné comme IFI₂ ou impôt sur la fortune improductive). Porté initialement par le député MoDem Jean-Paul Mattei et modifié par des sous-amendements socialistes, ce dispositif a été voté grâce à une alliance inhabituelle entre MoDem, PS, RN et LIOT. Il marque une rupture avec l’IFI actuel, en élargissant l’assiette tout en simplifiant le barème, avec pour objectif affiché de réorienter l’épargne vers des actifs “productifs” contribuant à l’économie réelle.
Cet article décrypte en détail cette réforme, ses mécanismes, ses impacts potentiels et les stratégies d’optimisation pour les patrimoines concernés. Appliquée à compter du 1er janvier 2026 (sur les patrimoines au 1er janvier), elle pourrait concerner un nombre plus large de foyers que l’IFI actuel, tout en modifiant profondément la logique de taxation.
Contexte et Genèse de la Réforme
L’IFI, instauré en 2018 en remplacement de l’ISF, se limitait aux actifs immobiliers nets supérieurs à 1,3 million d’euros, avec un abattement de 30 % sur la résidence principale et un barème progressif de 0,5 % à 1,5 %. Critiqué pour son assiette étroite (excluant les actifs financiers et les biens de luxe “improductifs”), il rapportait environ 2,2 milliards d’euros en 2024 pour 186 000 foyers.
La nouvelle mesure, adoptée dans le cadre du Projet de Loi de Finances pour 2026, vise à corriger cela en taxant la “fortune improductive” : des actifs qui ne génèrent pas de valeur économique ou d’emplois. L’idée n’est pas nouvelle – elle flotte depuis plusieurs années au MoDem – mais elle surgit après le rejet de propositions plus ambitieuses comme la “taxe Zucman”. Le rendement attendu reste incertain, estimé entre 1 et 3 milliards d’euros supplémentaires, selon les sources.
Le parcours législatif n’est pas terminé : le texte doit passer au Sénat et en commission mixte paritaire. Des modifications sont possibles, mais l’Assemblée a posé un jalon fort.
Une Assiette Élargie : Quels Actifs Dans le Viseur ?
Le grand changement réside dans l’extension de l’assiette au-delà de l’immobilier. Désormais, sont considérés comme “improductifs” et imposables (nets de dettes liées) :
- Les biens immobiliers non productifs (non loués ou ne répondant pas à des critères environnementaux pour les locations longues).
- Les biens matériels de valeur : or physique, bijoux, œuvres d’art, voitures de collection, yachts, avions privés, meubles précieux et antiquités.
- Les actifs numériques : cryptomonnaies, NFT et autres tokens détenus personnellement.
- Les contrats d’assurance-vie : uniquement les fonds en euros ou les supports non investis en unités de compte “productives” (actions d’entreprises, par exemple).
À l’inverse, sont exclus ou allégés :
- Les actifs productifs : actions d’entreprises, parts de SCPI ou OPCI investies en immobilier professionnel, biens professionnels, forêts, et immobilier locatif “vert” (loué plus d’un an avec normes environnementales).
- Les liquidités pures pourraient être incluses dans certaines versions, mais les débats restent ouverts.
Le seuil d’assujettissement reste à 1,3 million d’euros de patrimoine net imposable (déclaration obligatoire dès 1,3 million, taxation effective au-delà).
Un Abattement Unique et Stratégique
Exit l’abattement automatique de 30 % sur la résidence principale. À la place, un abattement forfaitaire de 1 million d’euros applicable à un seul bien de votre choix par foyer fiscal. Ce peut être :
- La résidence principale (pour préserver le logement familial).
- Une résidence secondaire.
- Ou tout autre actif imposable (par exemple, un portefeuille crypto ou un yacht, pour optimiser).
Cette flexibilité est un atout majeur : un couple avec une résidence principale à 2 millions d’euros peut appliquer l’abattement dessus, réduisant la base taxable à 1 million (non imposable si en deçà du seuil effectif). Pour les patrimoines diversifiés, c’est une opportunité de minimiser l’impact en protégeant l’actif le plus valorisé.
Un Barème Simplifié : Taux Unique de 1 %
Fini la progressivité de l’IFI (0,5 % à 1,5 %). Le nouvel impôt applique un taux plat de 1 % sur la fraction taxable au-delà du seuil.
Impacts contrastés :
- Allègement pour les très grandes fortunes (taux marginal réduit de 1,5 % à 1 %).
- Alourdissement pour les patrimoines intermédiaires (autour de 1,5-3 millions d’euros), où le taux effectif passe souvent de 0,7-1 % à 1 % plein.
- Neutralité ou gain pour ceux qui réorientent vers du productif.
Exemple simplifié (patrimoine net improductif de 3 millions d’euros, abattement 1 million appliqué) :
- Base taxable : 2 millions d’euros.
- Impôt : 2 000 000 × 1 % = 20 000 euros.
Avec l’ancien IFI (immobilier seulement), l’impôt aurait pu être inférieur si optimisation via dettes ou abattements.
Valorisation et Déclaration : Des Défis Pratiques
La valorisation des nouveaux actifs pose question :
- Immobilier : valeur vénale au 1er janvier.
- Œuvres d’art/bijoux : expertise ou valeur d’assurance.
- Cryptos/NFT : cours moyen ou au 1er janvier (à préciser par décret).
- Fonds euros assurance-vie : valeur de rachat.
La déclaration IFI sera enrichie d’annexes spécifiques. Sous-évaluation exposera à redressement + 80 % de pénalités.
Objectifs Affichés et Critiques
Proclamé comme un outil pour :
- Inciter à investir dans l’économie réelle (entreprises, innovation).
- Simplifier et rendre plus lisible la fiscalité du patrimoine.
- Lutter contre les placements “dormants” (fonds euros, or thésaurisé).
Critiques de tous bords :
- À gauche (LFI) : trop timide, affaiblit l’IFI sans rétablir pleinement l’ISF.
- À droite et au gouvernement : alourdissement fiscal, risque de fuite de capitaux, taxation de l’épargne de précaution (assurance-vie).
- Fiscalistes : complexité de définition “productif/improductif”, contentieux à venir.
Recommandations Pratiques pour 2026
Si votre patrimoine net dépasse 1 million d’euros, agissez dès maintenant :
- Audit Patrimonial Complet : Inventoriez tous les actifs (immobilier, financier, luxe, crypto) et estimez la base improductive au 1er janvier 2026.
- Réorientation Stratégique :
- Convertir fonds euros en unités de compte actions/entreprises.
- Vendre or/bijoux pour investir en actions exonérées.
- Louer des biens immobiliers avec baux verts.
- Optimiser l’Abattement : Choisir le bien à abattre pour maximiser la réduction (souvent la résidence principale).
- Anticipations Familiales : Donations avant 2026 (abattements 100 000 €/enfant), démembrement de propriété.
- Structures Adaptées : SCI pour immobilier locatif, holding pour actifs productifs, trusts étrangers avec prudence (exit tax).
Un simulateur officiel devrait apparaître sur impots.gouv.fr d’ici mi-2026, mais une modélisation privée est indispensable dès à présent.
Conclusion : Fiscalité Plus Cohérente ou Alourdissement Déguisé ?
Cette réforme ambitionne une taxation plus “intelligente” du patrimoine, distinguant clairement le productif de l’improductif. Pour certains, c’est une avancée vers plus d’équité et d’incitation économique. Pour d’autres, un retour déguisé de l’ISF, avec risques d’exil fiscal et de complexité.
Une chose est sûre : les patrimoines supérieurs à 1,3 million d’euros entrent dans une ère de vigilance accrue. La flexibilité de l’abattement et les exonérations productives offrent des leviers puissants, mais mal maîtrisés, ils pourraient coûter cher.
Chez NCdR, nous accompagnons quotidiennement les hauts patrimoines dans ces transitions. Contactez-nous pour un diagnostic personnalisé et une stratégie sur mesure – avant que le 1er janvier 2026 ne fixe votre base taxable.
Publié le 20 novembre 2025. Cet article est informatif ; la loi définitive pourrait évoluer et ne saurait remplacer un conseil professionnel adapté. Par NCdR – Spécialiste en Fiscalité des Patrimoines.

